dimanche 12 janvier 2014

Une « Cinquième colonne » dans les rangs des FARDC(?)

Texte très intéressant à lire. Il vient d'un ami, Hugues Mambo.  



Il se passe actuellement un phénomène inqualifiable au sein des forces armées de la république démocratique du Congo qui laisse perplexe plus d’un observateur. A voir de près, on a la nette impression qu’aux seins des Fardc il existe déjà une « cinquième colonne ». Disons tout de suite que cette expression n’est pas de nous. Elle est née vers 1936, voici comment :
Pendant la guerre civile en Espagne, les partisans du général Franco annoncent sur une chaine de radio que Madrid, la capitale, sera prise d’assaut par cinq colonnes : Quatre colonnes qui utiliseront les quatre artères principales pour arriver à Madrid et la cinquième colonne qui sera composée des partisans de l’intérieur qui ont comme rôle de favoriser la pénétration des attaquants au cœur de la ville.
Depuis, cette expression désigne les traitres œuvrant à l’intérieur en faveur de l’ennemi. Leur mode opératoire est connu : espionnage, propagande, tentatives de déstabilisation et attentats. L’Est de la RD Congo  est rongé par des guerres à répétition. Il est étranglé par des groupes armés dont les principaux sont : M23 (replié en Ouganda), FDLR, ADF/NALU et la nébuleuse « MAIMAI » Ces groupes cités constituent les quatre colonnes. Et la cinquième est à l’intérieur de l’armée régulière. Si tel n’était pas le cas, pourquoi le général Olenga parle t-il souvent de la « purification » des troupes ?  Quelques cas des meurtres non élucidés corroborent à cette thèse de l’existence de la « cinquième colonne » au sein des Fardc.

Avant hier, c’était le Général Félix Budja Mabe



Ce redoutable nom de Budja Mabe suffisait pour donner des insomnies aux ennemis de la Paix dans le Kivu. Son parcours élogieux de diplômé en criminologie de l’école royale militaire d’Anvers en Belgique, d’instructeur puis du commandant à l’école de formation des commandos de Kotakoli faisait peur aux envahisseurs. Ses exploits comme commandant de la 41è brigade commando de choc de Kisangani et commandant de la Région militaire de Matadi dans le Bas-Zaïre, faisaient parler de lui.  Pour avoir travaillé presque partout, il connaissait le Congo par cœur : commandant de la 6e région militaire couvrant le Kasaï Occidental et le Bandundu. Il était l’homme qu’il fallait pour bouter l’ennemi hors de nos frontières. Le 24 février 2002, Budja Mabe est nommé commandant de la 10è région militaire au Sud Kivu. Il confirme sa notoriété d’un grand combattant lors de la prise de Bukavu par les éléments de Laurent Nkunda et Mutebutsi entre le 26 mai et le 8 juin 2004. Une année après, une permutation : alors que la guerre n’était pas terminée, on le nomme commandant de la base militaire de Kamina au grand étonnement de toute la population meurtrie du Kivu. Quatre ans après, il meurt. Officiellement ont dit des suites d’une « longue maladie ». Nous savons aujourd’hui que cette permutation a été faite sous pression des ennemis de la paix et qu’il a été empoisonné.

Hier, c’était le Général Emmanuel Bikweto



Peu connu du grand public. Officier discret mais très efficace. C’est l’homme qui a empêché le bain de sang dans la capitale Kinshasa lors des affrontements entre les militaires de Jean Pierre Bemba et l’armée régulière, après les élections controversées de 2006, en prenant le commandement des opérations. Ce général est de la même école que Budja Mabe et Mahele. Aux Etats Unis il a fait l’école d’infanterie avancée se spécialise dans les « special forces » et décroche le brevet de Ranger et de pilotage d’avion de reconnaissance. A été dans les opérations au Tchad pour le compte des contingent Zaïrois. Instructeur pour la formation des commandos congolais successivement à : Kota-Koli, CETA, Kamina, Kibomango, Kitona.
Nommé général de brigade, il se voit confier la Fonction de coordonateur des Forces Spéciales. La haute hiérarchie  pensait déjà à lui pour lui confier la mission de diriger les opérations contre le M23 quand, la nuit du 25 décembre 2012, il est abattu à bout portant, à Kinshasa,  par des hommes armés à quelques mètres de sa parcelle.

Aujourd’hui, c’est le Colonel Mamadou N’dala.


Un décès qui continue à défrayer la chronique tant les versions sont contradictoires pour le même fait. Ce qui est vrai, c’est que le succès récolté par ce jeune commando après la défaite du M23 a fait des jaloux dans la « cinquième colonne ». Les jaloux de Mamadou seraient à compter  dans les rangs des « incompétents », ces hauts gradés sans études militaires approfondies requises. Dans l’entre temps, le problème sécuritaire n’est pas encore à son terme dans l’Est du pays. L’assassinat du Colonel Mamadou soulève les inquiétudes :
Comment atteindre la pacification de cette partie du pays si des grands formateurs et instructeurs de la trempe des Généraux Mahele, Budja Mabe et Bikweto sont assassinés et tués sans que l’on élucide les causes de leurs décès ? Où trouver encore cet oiseau rare pareil à Mamadou N’dala qui a  fait la fierté de notre armée nationale en la préservant de la moquerie de nos voisins ? A-t-on pensé à combler ce vide en envoyant en formation des dignes fils du pays pour apporter un sang neuf dans les rangs de l’armée congolaise ?

Ce qui est vrai est que le vers est déjà dans le fruit et il est plus que temps de l’extirper. Autrement, les Fardc continueront à compter les morts dans ses rangs alors que tout le monde le sait déjà : derrière les quatre colonnes des rebelles, il y a une « cinquième colonne » cachée au sein de l’armée nationale.  

samedi 21 décembre 2013

La vie à Kibumba, ancien village sous contrôle du M23

Depuis que l'armée congolaise a chassé les combattants du M23 de ses dernières positions le 5 novembre dernier, les populations réfugiées se réjouissent de pouvoir retourner chez elles. La blogueuse Chantal Faida est allée observer l'ambiance d'après-guerre à Kibumba, un village anciennement occupé par le M23.


Par Chantal Faida, Goma
Situé à une dizaine de kilomètres au nord de Goma, le village de Kibumba, en territoire de Nyiragongo, est entouré de merveilleux paysages et de collines verdoyantes, dont certaines bordent la frontière entre le Rwanda et la RDC. 
Mais au milieu de l’année 2012, la rébellion du M23 a pris le contrôle total de cet espace. Et les combats entre l’armée loyaliste et la rébellion du M23 ont coûté la vie à de nombreuses personnes et provoqué la fuite de dizaines de milliers d’habitants, la séparation de familles et la dévastation des biens des paysans. Bref, un véritable chaos.
"Nous dormons sans fermer nos portes"
"Enfin, nous retrouvons notre liberté", se réjouit Dieudonné Rurakabje, agent de cadastre au territoire de Nyiragongo. "Ici, au quotidien, à l’époque du M23, nous étions soumis à des travaux forcés, forcés de payer des taxes et de faire des patrouilles nocturnes. Nous avons déploré de nombreux cas d’assassinats. Mais avec le retour des forces loyalistes, aujourd’hui Kibumba est un havre de paix. Nous dormons sans fermer nos portes", ajoute-t-il.
Ces propos sont nuancés par Bagabo Hangi, qui déplore les arrestations et les menaces auxquelles font face les civils qui ont collaboré avec les rebelles du M23. "Que l’État relâche ceux qui ont été forcés de collaborer avec les rebelles, car ils l’ont fait pour sauver leur vie. La priorité serait plutôt de récupérer les armes et de ramasser les engins non-explosés laissés çà et là dans la forêt pour assurer la protection totale de la population, au lieu de faire la chasse aux sorcières", avance-t-il. 
Après la guerre, l’État doit lutter contre la pauvreté
De Goma à Kibumba, des drapeaux des partis politiques — tant de la majorité que ceux de l’opposition — ont été fixés à des arbres, environ tous les dix mètres. Les autorités administratives sont de nouveau en place, sauf le chef de groupement de Kibumba dont l’installation traine en raison de conflits coutumiers.
En général, les habitants de Kibumba saluent l’implication des autorités tant nationales qu’internationales pour le retour de la paix. Mais ils émettent le vœu de voir leurs problèmes, dont certains sont endémiques, enfin résolus. Notamment : la reconstruction des maisons détruites, l’accès aux semences pour les champs dévastés, l'installation de systèmes d’adduction d’eau, et la sécurisation de la frontière entre le Rwanda et le Congo.
Car, à part les soins de santé gratuits garantis par l’ONG COOPI (Coopération Italienne) et la bonne collaboration entre civils et forces loyalistes, l’impression générale est que l’après-guerre ne sera pas bien différent de l’avant-guerre.  
Cet article a d'abord été publié sur RNW, le 12.12.2013